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ALSACE.

nier, les Allemands de Phalsbourg, qui sèchent d’ennui sur les ruines qu’ils ont faites, sont venus voir leurs camarades et se désennuyer en compagnie. Pas un Alsacien ne leur a dit mot, personne n’est intervenu dans leurs épanchements, on les a laissés boire, causer et se promener ensemble. L’homme qui se montrerait en public avec un soldat ennemi serait noté d’infamie : ses amis, ses frères eux-mêmes, lui tourneraient le dos ; ses vieux parents lui fermeraient la maison paternelle.

Les employés civils qui portent l’uniforme tudesque, ou simplement la casquette rouge et noire, sont frappés du même interdit. Ceux qui n’étalent aucun signe distinctif, par exemple les juges du tribunal, sont dévisagés dès leur arrivée, suivis de loin, épiés dans leurs moindres relations. Un avocat qui donnerait le bras au président du tribunal serait un homme jugé sans appel.

Comme les Allemands, tant militaires que civils, sont logés chez l’habitant, il se peut à la rigueur que certains rapports amiables, sinon cordiaux, s’établissent entre vainqueurs et vaincus derrière le mur de la vie privée. Ce n’est pas le soldat qui deviendra l’ami de ses hôtes : il est rustre, incommode et onéreux. Mais l’officier de belle mine et de bonnes façons est capable de