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HUIT JOURS D’ÉTUDE.

courbé la tête, et l’on s’est laissé vivre. Presque pas d’industrie, fort peu de vrai commerce, une multitude de petites boutiques qui naguère se disputaient la clientèle du tribunal et des fonctionnaires ; un cabaret tous les trois pas. Je connais un huissier cabaretier. J’ai vu un professeur du collège vendre la goutte sur le comptoir, pour faire comme tout le monde. Voilà certes un pauvre pays, et si les Allemands ont eu lieu d’espérer qu’ils s’implanteraient sans effort, c’est dans les villes déchues comme Saverne.

Eh bien non ; pas même à Saverne les Allemands ne sont chez eux. La première fois que j’ai parcouru la grand’rue qui forme les trois quarts de la ville, j’ai remarqué que les soldats allemands se promenaient un à un, deux à deux, trois à trois, mais que pas un ne conversait en public avec un indigène. Cependant le petit peuple de Saverne aime bien l’uniforme. Autrefois, si quelques troupiers français en permission descendaient de Phalsbourg, ils n’arrivaient pas au pont de la Zorn sans avoir fait des connaissances. C’était à qui leur parlerait le premier, à qui leur offrirait la bière. On leur prenait le bras, on les traînait de force au cabaret, on était fier de marcher auprès d’eux dans la rue ; souvent même, le soir, on leur faisait un bout de conduite jusqu’à l’auberge du Prince-Charles. Dimanche der-