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ne sont pas dignes d’attirer l’attention du public. Je ne sais même pas jusqu’à quel point un simple prosateur est en droit d’imprimer l’analyse de ses douleurs morales, comme de grands poëtes l’ont fait avec gloire. La familiarité de la forme donnerait à ce genre de confidences quelque chose de bas ; on aurait l’air de convertir en boudin le sang de ses propres veines pour en régaler les lecteurs. Si je parle en mon nom et si je conte ici des choses qui me touchent, c’est parce que je suis un témoin et que le témoin ne saurait rien voir d’aussi près que ses affaires privées. De quelque détail qu’il s’agisse, il n’y a qu’une question sur le tapis, la question alsacienne ; qu’un personnage en scène, l’Alsace.

Il est assez indifférent au public de savoir que tel homme est forcé de vendre, de louer ou de fermer une maison où il avait ses souvenirs et ses habitudes. Mais, lorsque le cas se généralise, quand des centaines, des milliers de pères de famille, frappés du même coup, regrettent par moments que leur maison ne soit pas en ruines sur le territoire français où l’on pourrait au moins la rebâtir ; quand, sur une longueur de 150 kilomètres, tous les bons citoyens se demandent s’il faut émigrer, ou s’ils peuvent rester chez eux sans trahison ni faiblesse, alors les côtés personnels de la question s’effacent : on n’aperçoit plus