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raque de planches on voit flotter le nouvel étendard de la Confédération germanique ; il est noir, blanc et rouge, par bandes horizontales. C’est le drapeau tricolore en deuil. La bande supérieure nous rappelle que 109,000 Français dans la force de l’âge, sains de corps et d’esprit, sont morts en quelques mois sur les champs de bataille, aux ambulances et dans les hôpitaux militaires. Au moment où j’allais remonter en voiture, j’ai entendu une grosse voix joviale et brutale, qui terminait je ne sais quelle discussion en disant : « Mossié, vous n’êtes plus en France. » Les conducteurs français nous quittent ; on est tenté de leur dire adieu et de leur serrer la main ; ils sont remplacés par des hommes qui ne savent pas un mot de notre langue.

Voilà pourtant le petit chemin de fer qui mène à Dieuze, voilà les belles plaines savamment cultivées et un fort attelage qui prélude aux emblavures d’automne en déchirant la terre rouge. Les petits villages aux murs blancs, aux couvertures de tuile brunie, nous sourient comme autrefois derrière leurs vergers. Rien n’est changé que le drapeau, mais le drapeau, c’est tout pour l’homme qui comprend le saint mot de patrie. Et dire qu’au printemps de 1870, il y a dix-huit mois, les vieilles tirades sur le drapeau nous faisaient sourire ! Il est presque miraculeux que les petits théâtres à