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ÉPILOGUE.

sacrifice de leur vie pour l’amour de cette chère Alsace, je lui marchanderais quelques mois de ma liberté ?

À ce mot, le pauvre homme change de visage, et, d’une voix altérée, il me dit :

— Je suis le plus malheureux de tous les Alsaciens et de tous les pères. J’avais un fils unique, un beau, brave et bon fils, aimé de tous, laborieux, instruit, bachelier ès sciences à seize ans, capitaine-commandant de cavalerie à trente ; il était désigné par tous ses camarades comme un jeune général de l’avenir ; il est mort héroïquement à la tête de ses cuirassiers, dans une charge de Rieichshofen ! »

Il y a dans le malheur de ce digne homme des détails qui font saigner le cœur. Les premiers fugitifs de Reichshofen lui ont appris que son fils était tombé couvert de blessures ; il l’a pleuré pour mort durant tout le siège de Strasbourg. Après la capitulation, un soldat lui a dit : « Votre fils est vivant, on l’a guéri ; je l’ai vu en Allemagne. » Quelle espérance ! Mais bientôt quelle horrible déception, quand tous les prisonniers sont revenus sans celui qu’on attend, quand un compagnon d’armes, un ami, un témoin, vient confirmer en pleurant la terrible nouvelle ! Ce vieillard a eu le courage de passer quatre jours sur le champ de bataille, d’exhumer non-seulement les cada-