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ALSACE.

les matins pour y retourner tous les soirs, et moyennant ces deux voyages de dix lieues chacun, nous passions quelques heures ensemble. Je recevais ses visites dans le parloir des avocats, qui est, dit-on, l’ancien greffe où le prince Louis Bonaparte subit son premier interrogatoire après l’échauffourée de la Finckmatt. On montre aux curieux la place où il était assis sur une malle devant le procureur du roi, M. Gérard. La légende prétend qu’il fumait une pipe de terre, mais on me permettra d’en douter. Nous étions mieux assis, nous avions une chaise, quelquefois même deux, et le gardien qui devait être en tiers dans nos entretiens montra toujours, quel qu’il fût, la discrétion la plus honnête.

Nos deux filles aînées vinrent un jour avec leur mère, et Dieu sait avec quelle impatience je les attendais. Mais leur présence ne servit qu’à nous attrister tous. Ces deux enfants, si vives à l’ordinaire, semblaient comme hébétées par la vue des barreaux. La plus jeune des deux s’assit sur mon genou, cacha sa tête dans mon sein et demeura ainsi tout près d’une heure sans babiller, répondant par monosyllabes aux questions qu’on lui faisait et uniquement occupée à retenir ses larmes. La grande, qui a sept ans, allait et venait du parloir à la porte d’entrée, regardait alternativement le gardien dans la chambre, la sentinelle dans la cour, le verrou d’une prison voisine, l’image de