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ÉPILOGUE.

préventive est peut-être un mal nécessaire, je n’en jurerais point, mais je sens qu’il est monstrueux de traiter en coupables ceux qu’aucun juge n’a condamnés.

J’ai fini par m’orienter, avec un peu d’aide, et je vois que la maison d’arrêt est située entre le canal de l’Ill et la belle promenade, belle autrefois, du Broglie. Si ma fenêtre, qui s’ouvre au midi, n’était barrée jusqu’à moitié de sa hauteur par une persienne fixe, je verrais devant moi la cathédrale et ce qui fut le musée, à gauche, ce qui fut le théâtre et la préfecture, et sur la droite, les ruines du palais de justice.

Au temps du dernier siège, les obus prussiens, dirigés de Schiltigheim sur la cathédrale, enfilaient la maison d’arrêt ; ils venaient souvent éclater dans la cour où je me promène, ils ont criblé le mur de clôture. Le gardien me raconte qu’on a ramassé trente-six quintaux de fer et six quintaux de plomb dans cette étroite enceinte de la prison.

Tandis que je l’écoute, sa servante, une petite Alsacienne joufflue, entre dans la cour. Elle porte deux pigeonneaux dans une main et un couteau dans l’autre, et sans penser à mal elle s’adresse à mon jeune compagnon de la pistole : « Vous devez savoir, vous… rendez-moi donc service. » Cruelle ironie du hasard ! Le malheureux enfant n’a rien compris, sinon qu’il pouvait être