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ALSACE.

meurtrier, et je me jetai sur un lit dur et inégal comme ces las de cailloux qui bordent les routes. Toutefois, après une nuit plus tourmentée que je ne saurais le dire, le réveil fut presque gai. Il faisait beau, la lumière et l’air du matin emplissaient la chambre ; le plancher, si marécageux la veille au soir, était resplendissant de propreté, les parois blanches ne montraient pas une tache. Toute cette prison, que j’ai pu visiter dans ses moindres recoins avant d’en sortir, est tenue, je dois le dire, avec un soin méticuleux. Il ne s’est guère passé de jour où je n’aie rencontré, soit dans l’intérieur, soit dans les cours, un ouvrier, toujours le même, qui passait les murs au lait de chaux.

À peine avions-nous terminé notre toilette qu’un gardien nous demanda si nous voulions nous promener dans la cour. J’y descendis en hâte et j’y pris autant d’exercice qu’on en peut prendre dans une heure. Cette cour est presque un jardin ; on y voit cinq ou six gros tilleuls tondus de près et enfermés dans de petits carrés de plantes potagères. Quelques fleurs communes végètent çà et là, comme par hasard, au milieu des salades et des choux. Au pied de la prison, une vigne qu’on n’a point palissadée, et qui forme une sorte de berceau, était chargée de raisins mûrs. C’était de l’auxerrois, les moineaux en faisaient ripaille à la barbe du vigneron, c’est-à-dire du gardien-chef. Il leur jeta quel-