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une vive tentation de descendre : Avricourt est la tête d’une petite ligne qui mène à Dieuze, mon pays natal. Un jour, je ne sais quand, j’y ai vu un train en partance ; le conducteur criait de ce ton goguenard et cordial qui caractérise l’esprit lorrain : « Allons, les gens de Dieuze, en voiture ! » Je répondis d’instinct, sans songer : « Les gens de Dieuze ? mais j’en suis ! »

On arrivait ensuite à Sarrebourg, aujourd’hui Saarburg, une aimable petite ville bien gaie, bien riante, et particulièrement française, en dépit de son nom germanique. Deux jolies filles, aux dents éblouissantes, tenaient un buffet en plein vent, sur le quai de la voie. Quelques voyageurs descendaient pour les admirer de tout près, sous prétexte de boire un coup. Nous embarquions une demi-douzaine de marchands de bétail, tous enfants d’Israël, et le train se précipitait vers la grande traversée des Vosges. Six tunnels à la file : que de fois je les ai comptés ! Dès le premier, je me sentais chez moi ; c’était une avant-porte de la maison ; j’étais enfui dans nos montagnes de grès rouge. En débouchant dans la première vallée, après deux minutes de nuit noire, on voit à gauche, sous ses pieds, un petit filet d’eau, la Zorn, qui grossit à vue d’œil et devient une rivière avant Saverne. La Zorn, le chemin de fer, le canal de la Marne au Rhin et une route vicinale s’entre-croi-