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ÉPILOGUE.

forestier, habitait vers la Wantzenau, le pays des bonnes poules ; il y avait cinq jeunes sœurs à la maison, et le garçon parlait de sa famille avec une tendresse touchante. Il déplorait de tout son cœur le mouvement de vivacité qui lui avait fait porter la main sur un de ses plus chers camarades. Ces jeunes Alsaciens sont quelquefois terribles, jamais méchants ; le malheur est qu’ils aient la tête si prêt du bonnet et la main si près du couteau.

J’ai eu le temps d’étudier celui qui partageait ma mauvaise fortune ; il est d’un naturel doux et mélancolique. Détenu depuis un mois, obligé d’attendre en prison les assises de novembre, il sentait vivement la nostalgie des forêts natales et du toit paternel. Je l’ai trouvé non-seulement très-convenable en tout, mais serviable et même cordial ; et, dans nos longs tête-à-tête, je ne lui ai pas entendu dire un mot qui ne fût d’un brave garçon.

J’avais essayé de dîner, à la lueur de sa chandelle, sur la petite table où nous devions nous asseoir tour à tour, lorsqu’un gardien vint m’annoncer que le juge d’instruction m’attendait. Je le suivis lestement, charmé de voir que la justice de M. de Bismarck ne traînait pas les choses en longueur. Arrêté à six heures du matin, entendu à sept heures du soir ! C’est un sort dont tous les prévenus s’accommoderaient volontiers.