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ÉPILOGUE.

Et quand je dis gratuite, je ne suis pas sûr d’employer le mot juste.

Mais je n’avais pas le Times dans ma prison. Et pourtant, je l’avoue au risque de prêter à rire, j’ai pensé plusieurs fois à lui, à lui-même, au Times, dans ces premières heures d’angoisses.

Je me disais : « Les Prussiens sont capables de tout ; plus je suis innocent, plus je dois craindre qu’ils prolongent ma détention préventive pour le plaisir de torturer un ennemi et de tuer les pauvres êtres que j’ai laissés derrière moi. Les journaux français auront beau protester ; il est de bon ton, à Berlin, de dédaigner la presse française ; on ne les lira point. Mais le Times se fait lire partout, il impose aux vainqueurs, il contraint les rois absolus de rentrer en eux-mêmes, car, chaque fois qu’il parle, on croit entendre la voix d’une grande, puissante et généreuse nation. Quand le Times aura dit son mot, ma prison s’ouvrira toute seule ! » Je demande pardon au Times de l’avoir jugé de la sorte, et je jure de ne plus retomber dans une si grossière erreur.

Vers onze heures du matin (ma montre étant emprisonnée à part, je ne garantis pas les heures), l’arrivée d’un litre de bouillon me prouva qu’on ne m’oubliait pas chez nous. J’ai su depuis que le porteur de ce message alimentaire, un jeune avocat de Saverne, inscrit au barreau de Dijon, avait