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mais parce que nous voulions qu’ils fussent Alsaciens. Nous nous disions : Paris n’est pas une patrie ; on n’y a ni concitoyens, ni voisins, ni compagnons d’enfance : personne ne vous sait gré d’être né à Paris. En province, l’enfant du pays est quelque peu le frère et le fils de tout le monde ; chacun s’intéresse à ses progrès ; tous les regards, tous les vœux l’accompagnent dans la vie. Si les commencements sont difficiles, une municipalité maternelle ne refuse pas un peu d’appui. Plus tard, à l’âge des ambitions, on trouve dans la petite ville natale un terrain tout battu, des partisans tout faits, des dévouements à toute épreuve. C’est là qu’on vous sait gré de vos succès, comme si les voisins et les amis en avaient leur part ; on y devient grand homme à bon marché ; les anciens rivaux de collège n’attendent qu’un prétexte un peu décent pour vous dresser une statue. Voilà le beau raisonnement qui m’a conduit à faire souche de petits Savernois. Maintenant, il faut que je retourne à la mairie pour réclamer à leur profit la nationalité française : faute de cette déclaration, ils seraient Allemands de plein droit.

Au temps où nous allions chez nous en dix heures sans rencontrer un factionnaire allemand à toutes les gares, cette nuit de voyage était pour moi un plaisir sans fatigue. On s’endormait à Meaux en savourant par avance la joie du lendemain, et, malgré