Page:About - Alsace, 1875.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
292
169
ALSACE.

s’était bien gardé d’en rien faire ; il prétendait que les Prussiens me guettaient depuis plusieurs jours.

La chose me parut tellement insensée que je ne tins aucun compte de cet avis. Comment croire que les Prussiens, s’ils voulaient m’arrêter, attendraient une occasion de faire ce beau coup sur la voie publique ? S’ils ne connaissaient point mon visage, ils savaient mon adresse et la maison n’était pas difficile à trouver. D’ailleurs je me croyais en sûreté, puisque je me savais sans reproche. Quelques articles de journal, écrits et publiés en France, avaient pu les indisposer, mais sans leur donner aucun droit sur ma personne. Quelques conseils distribués dans mon cabinet aux pères de famille qui voulaient émanciper leurs enfants sans opter eux-mêmes ne constituaient pas un délit punissable en pays civilisé.

Je me couchai donc fort tranquille à neuf heures du soir, heure normale pour un campagnard et un malade, et je dormais déjà lorsque les aboiements d’un chien et la voix de notre fermier m’éveillèrent. On me dit qu’un ancien agent de police, enrôlé au service des Prussiens, voulait me parler à l’instant en faveur d’un malheureux. Cet homme avait besoin de mes conseils, il m’attendait à la grille du jardin, il devait émigrer le lendemain matin et ne pouvait attendre davantage. Je fis répondre qu’il était un peu tard de toutes les façons