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BELFORT.

Voilà des raisons fort plausibles, et je me ferais scrupule de les rejeter sans discussion, à la vieille mode de France. Je ne suis plus un jeune homme, je suis entré depuis un certain temps déjà dans l’âge philosophique ; je crois que tout arrive et qu’il ne faut rien nier a priori, pas même l’honnêteté des Prussiens.

Toutefois, si on me permet de formuler mes sentiments avec franchise, je dirai que Belfort, après inspection sommaire, m’a fait l’effet d’un de ces gros morceaux qu’un conquérant goulu comme le nôtre ne peut approcher sans que l’eau lui vienne à la bouche. Le roi Guillaume n’a pas besoin de cette place, puisqu’il a Metz et Strasbourg, deux larges portes ouvertes sur la France. Il n’en a pas peur, quels que soient les beaux côtés de la position, car il sait, à six mois près, combien il nous faudra de temps pour créer et outiller une armée de 1,200,000 hommes. Et malgré tout, j’ose affirmer qu’il ne rendra pas sans douleur ce chef-d’œuvre militaire de la nature, enrichi et perfectionné par une quantité prodigieuse de travail humain. Quand on s’est promené seulement une heure dans ce monde de bastions, de demi-lunes, de redans, de cavaliers, de fossés taillés dans le roc, de glacis, de caponnières et d’embrasures, quand on a pu additionner en imagination tous ces moyens naturels et artifi-