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ALSACE.

la maison forestière du brigadier huber, dont j’ai conté l’histoire et publié l’apologie. Il y aura tantôt un an que cet homme venait me dire : « Plaignez-moi, ne me condamnez pas ! Si j’ai consenti à servir les Prussiens, c’est par une inflexible nécessité, ou plutôt par surprise ; mais je n’ai pas prêté serment, ma foi n’est pas engagée, il me reste un an pour opter. » Il n’a pas opté, et l’on assure qu’avec deux ou trois autres renégats il va déblatérant contre la France. Avis à ceux qui s’imaginent qu’on peut être déserteur à demi ! La trahison est comme un de ces engrenages où l’on n’introduit pas le bout du doigt sans que le corps y passe tout entier. J’entends dire que plus d’un transfuge est déjà mécontent de son sort ; on m’a même montré la figure piteuse d’un architecte d’arrondissement, qui, après s’être vendu à l’ennemi pour conserver sa place, voit tous les travaux dirigés par un Allemand et s’attend à mourir de faim, n’ayant pas pu mourir de honte. Mais ni cet homme ni ses rares complices ne trouveront un refuge au sein de la patrie ; une abjuration tardive ne leur rendrait pas l’honneur ; ils le sentent, et bon gré mal gré il leur faudra végéter jusqu’à la mort entre leurs concitoyens qui les renient et leur maître orgueilleux, l’ennemi, qui les méprise.

La route de Saverne à Phalsbourg était fort animée autrefois, surtout dans la première quinzaine