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L’ÉMIGRATION.

tous les jeunes gens sont partis ; le contingent de 1872 se réduit à un manchot, un pied-bot et un cul-de-jatte. L’horreur du joug allemand a fait fuir non-seulement les futurs soldats, mais les femmes, les vieillards et jusqu’à deux nonagénaires, M. Milenberger et le brave commandant Perron, quatre-vingt-onze ans, ancien soldat d’Iéna.

Il ne reste à Schlestadt qu’une poignée de désespérés ; les Prussiens, qui se carrent superbement sur la place et dans les rues désertes, ne foulent sous leurs gros pieds qu’un cadavre de ville, mais un cadavre dont le cœur bat encore et battra longtemps pour la France.

Voulez-vous admirer les bienfaits de la conquête allemande dans quelque grande cité ? Allons à Mulhouse. Toutes les magnifiques villas qui s’élèvent en amphithéâtre au delà du canal, ou sur le revers de la montagne, sont fermées. Tous les hôtels des manufacturiers, dans le quartier neuf, sont déserts. Tous les chefs des grandes maisons, après avoir opté, ont transféré leur domicile réel sur le territoire français, à quelques heures de la ville. L’industrie de Mulhouse a divisé ses capitaux en actions ; un gérant se dévoue et veut bien devenir Allemand de nom dans l’intérêt de chaque usine. Mais voici que les ouvriers s’émeuvent, eux aussi ; cette forte et vaillante humanité qui sue et souffre dans les fabriques s’ébranle par masses