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L’ÉMIGRATION.

cus ! La Prusse ne connaît ni femmes ni mères ; priez vite et allez-vous-en !

Ceux qui s’en vont prennent de grands partis ou s’arrêtent à la frontière, chacun selon ses espérances et son tempérament. S’ils pensent que le malheur du pays pourra durer longtemps et s’ils sont d’une humeur aventureuse, ils quittent tout, même la France ; ils s’embarquent pour le Canada, où l’on parle encore français, ils vont coloniser le Far West des États-Unis ; ils porteraient leurs bras, et des bras vigoureux, en Algérie, si les terres du domaine étaient prêtes à les recevoir. Les plus nombreux, heureusement, sont retenus par une superstition touchante : ils se fixent au plus près du pays, comme s’ils étaient sûrs que les iniquités prussiennes auront leur châtiment avant peu. Ils encombrent Belfort, Nancy, Gray, Épinal et les autres villes de l’Est, sans guère dépasser Dijon comme extrême limite. Pauvres gens ! braves gens ! le jour où leur pays redeviendra français, ils veulent être à portée d’y rentrer les premiers et d’un bond.

On me citait une pauvre veuve de soixante ans qui a trois fils sous les drapeaux. Elle à opté et s’est installée à Visembach, premier village français sur la route de Sainte-Marie-aux-Mines à Saint-Dié. Tous les matins, elle gravit à pied et péniblement la montagne, et, s’arrêtant près du