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L’ÉMIGRATION.

contre nous. Ces parvenus de la victoire sont pressés de jouir comme les parvenus de la finance ; il leur faut du pouvoir comptant et de l’obéissance immédiate, comme aux autres de l’amour tout fait. Ils n’ont réussi qu’à changer en solitude lamentable le coin le plus vivant, le plus laborieux et le plus éclairé de l’Europe.

Quel fruit leur reviendra de tout le mal qu’ils ont causé ? Dans cette pépinière de héros, combien pourront-ils recruter de soldats contre la France ? J’entends dire qu’un appel aux volontaires d’un an, malgré les plus belles promesses et les facilités les plus attrayantes, n’a donné qu’un total de 144 candidats ; encore le renseignement est-il de source prussienne. On n’a jamais pu me montrer ni même me nommer un seul de ces conscrits de la honte.

En revanche, il est avéré que toute la classe de 1872 a passé la frontière pour tirer au sort à Lunéville, à Nancy, à Belfort, à Paris. Sauf les boiteux, les bossus, les infirmes, on ne trouverait plus aujourd’hui dans les départements annexés un seul jeune homme de vingt ans : les officiers prussiens peuvent venir ; ils ne rencontreront personne, et pas plus dans les villages protestants que dans les centres catholiques. Les conscrits de l’an prochain et de l’année suivante ont devancé l’appel des Allemands par une fuite précipitée.