Page:About - Alsace, 1875.djvu/236

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
222
ALSACE.

Faute de quoi, le 81e brûlerait la filature de M. Kœchlin et les cités ouvrières, sans préjudice du surplus.

L’indignation fut générale, mais pas un homme de trente ans ne se montra plus courroucé que M. Jean Dollfus. Brûler les cités ouvrières ! L’œuvre et la gloire de sa vie ! Le temps de prendre sa croix de l’aigle rouge, une croix de commandeur obtenue à la suite de je ne sais quelle exposition, il accourut aussi vite que ses jambes de soixante-dix ans voulurent le porter. Arrivé, il entreprit les officiers prussiens avec toute la vigueur d’une âme honnête et toute l’autorité d’une vie exemplaire ; il leur prouva que si une réparation était due, c’était par les vainqueurs aux vaincus et qu’il serait monstrueux de rançonner les gens après les avoir assassinés.

Le colonel, sourd aux bonnes raisons, comme tout Allemand qui se sent le plus fort, maintint ses prétentions sans en rabattre un centime, et le père Jean, s’échauffant par degrés, lui dit : « J’ai donc affaire à des barbares ? Eh bien ! reprenez donc cette croix que j’avais cru pouvoir accepter de votre maître, dans le temps où la Prusse comptait encore au rang des peuples civilisés ! Rendez-la-lui ; dites-lui que je ne pourrais plus la porter sans honte et que je vous l’ai jetée à la face ! » Le geste suivit la parole, et les insignes de l’aigle