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ALSACE.

de rente. La France ne le réclame point à la Prusse : ces natures ne sont ni traîtresses, ni fidèles ; on les prime aux concours régionaux. »

Voilà de quelle encre on écrit la vérité sur nos renégats ; le ton dont on en parle est, s’il se peut, plus vif encore. L’énormité du crime et la vigueur d’un honnête ressentiment font excuser le trait hardi et la grosse couleur de ces ébauches.

Mais il faut voir avec quel tact et quelle délicatesse nos Colmariens estompent le contour et ménagent la demi-teinte, lorsqu’il s’agit de peindre la figure équivoque et savamment voilée d’un habile. Interrogez-les sur quelqu’un de ces citoyens douteux qui ont aimé la France dans sa splendeur, qui l’ont servie à charge de revanche, et qui, du jour au lendemain, se sont épris d’un amour spécial, aveugle, exclusif pour la province où ils ont leur fortune et leur clientèle. Demandez ce qu’on pense de ces grands particularistes, nobles ou roturiers, qu’une illumination soudaine a convertis comme saint Paul sur le chemin de leur château, et qui sont devenus mille fois plus Alsaciens que l’Alsace. Les mêmes gens d’esprit qui jetaient sans façon Burguburu dans le saloir, prendront délicatement entre deux doigts le politique le plus madré, le dépouilleront de tout prétexte, le larderont à petits coups et en un tour de main vous l’assaisonneront du plus fin sel attique.