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COLMAR.

cier de la nouvelle garnison vient louer un appartement dans notre maison de ville. Nous avions débattu l’affaire point par point, nous étions d’accord, il ne me restait plus qu’à dire oui. Mais lorsqu’il me demanda, fort poliment d’ailleurs, sil pouvait se considérer comme mon locataire, des larmes me montèrent aux yeux, la parole me manqua, vox faucibus hœsit ! Je vis en imagination tous les portraits de la famille ; il me sembla que ces braves gens, si bons Français, avaient les yeux sur moi, qu’ils me demandaient compte de ce marché, et qu’ils me défendaient d’ouvrir leur veille maison à l’ennemi de leur patrie ! Je le ferai pourtant un jour ou l’autre, car il le faut. »

Quelques amis de la famille, gens d’esprit et chauds patriotes, vinrent passer la soirée avec nous. Madame Bartholdi, toujours ingénieuse dans son hospitalité, les avait priés à la hâte, pour mettre en quelque sorte sous main les lumières que je cherchais.

Tout ce que j’entendis dans ces trois bonnes heures de causerie affermit solidement mes premières impressions. L’esprit public était admirable dans le Haut-Rhin ; riches et pauvres tenaient tête au vainqueur avec une égale énergie. Les plus gros seigneurs d’Allemagne promenaient leur couronne ou leur casque dans les rues de Colmar, sans qu’un seul gamin, pour les voir, se dé-