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ALSACE.

anciens compagnons d’armes ; mais ce monument lui tenait au cœur, il l’avait esquissé en pleine guerre, il s’était juré à lui-même de le construire et de l’inaugurer dans le cimetière de Colmar. Le projet que je vis alors me parut vraiment dramatique dans sa simplicité : c’était un bras, rien qu’un bras, soulevant la dalle du sépulcre pour saisir une épée tombée à terre.

Madame Bartholdi, en me montrant l’atelier de son fils, me disait par quel ingénieux et touchant, stratagème ce brave garçon avait su la rassurer jusqu’au dernier jour de la guerre. Tandis qu’il se battait en Bourgogne, elle le croyait installé chaudement dans les bureaux d’un ministère : elle recevait des chefs-d’œuvre de lettres rédigées dans le style du parfait employé.

Et bientôt il lui faudra se séparer d’un tel fils ! vivre pour lui, mais sans lui, durant la plus grande partie de l’année ! Il y a des intérêts à surveiller dans le pays, des fermes à faire valoir, des rentrées à poursuivre, des immeubles à réparer, et la vaillante mère se dévoue ; elle accomplira jusqu’au bout ses devoirs de bon intendant.

« Que voulez-vous ? me disait-elle. Nous ne sommes pas assez riches pour laisser notre patrimoine à l’état de non-valeur. Mais ces soins dont je m’acquittais naguère avec bonheur seront quelquefois bien pénibles. Hier, par exemple, un offi-