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COLMAR.

Ce chapelet d’anecdotes, plus ou moins authentiques, mais qui ne laissaient aucun doute sur le patriotisme des conteurs, fut brusquement coupé par l’arrêt du train. Nous étions à la gare de Colmar.

Mon ami Bartholdi, que j’avais pris soin d’avertir de mon arrivée, ne m’attendait pas, et pour cause : depuis plus de trois mois, il se promenait sur le chemin du Pacifique, entre New-York et San-Francisco. Mais je n’eus pas de peine à trouver sa digne mère : je revis le beau jardin du faubourg et cette aimable maison de campagne où les ancêtres en drap de soie, toujours souriants dans leurs cadres, ignorent, les bienheureux ! tout ce qui s’est passé.

La maîtresse du logis m’accueillit avec cette grâce noble que j’avais admirée dans des jours plus sereins, mais elle ne réussit point à me cacher sa profonde tristesse. Elle prévoyait que son fils ne viendrait plus à Colmar que pour opter et repartir ; il avait défendu le pont d’Horbourg à la tête des gardes nationaux, il avait fait la campagne des Vosges, en qualité de chef d’escadron, dans l’état-major de Garibaldi ; ses antécédents, son talent, sa glorieuse notoriété l’expulsaient par avance du pays annexé, quand même il ne l’eût pas quitté spontanément par patriotisme. À peine prendrait-il le temps d’élever un tombeau à ses