Page:About - Alsace, 1875.djvu/220

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
206
ALSACE.

tait d’une présidence à Sarrebruck. Surpris par les malheurs de la patrie, ils se sont retournés le plus lestement du monde, et ne pouvant jouer le rôle de magistrats français en Allemagne, ils se sont faits, sans plus de scrupule, magistrats allemands en France.

On m’assure que M. Kern, notre ancien procureur impérial à Saverne, est plus particulièrement méprisé que les autres, soit parce que la France l’avait mieux traité, en le nommant d’urgence avocat général à Limoges, soit parce qu’il avait joué le patriotisme avec quelque succès dans les salons de Bâle. Son père s’était réfugié en Suisse, jurant tout haut qu’il ne reverrait pas la patrie tant qu’elle serait souillée par l’invasion. Ces sentiments lui firent une sorte de popularité dont le fils profita lorsqu’il eut passé la frontière à son tour. Les maisons les plus honorables ouvrirent leurs portes au jeune homme ; il s’assit à tous les pianos et fit pleurer les plus beaux yeux de la ville en chantant : Triste exilé sur la terre étrangère. Depuis qu’il chante la palinodie, les Alsaciens et probablement aussi les bons Suisses se font un devoir de le siffler. C’est justice.

Je me suis enquis des raisons qu’il pouvait alléguer à l’appui de son apostasie, car enfin un homme d’un certain monde et d’une certaine éducation ne forfait pas à l’honneur sans se disculper bien