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ALSACE.

quinze jours en dévidant leur chapelet pour venir se laver les yeux à la fontaine de Sainte Odile et faire une économie de dix sous sur le pharmacien. L’instant d’après, c’était un déballage de bons vivants échappés des chalets du Hohwald, ou des confortables auberges de Barr. Mais le contingent le plus sûr et le plus régulier se composait de braves, de modestes et studieuses familles voyageant à peu de frais pour l’instruction des enfants, pour la récréation des adultes et pour la santé de tous ; employés, professeurs, gens de condition sédentaire. C’est ainsi que j’ai fait connaissance avec cet admirable Kœberlé et avec le cher et vénéré couple des vieux Ehrmann.

Le père Ehrmann était alors doyen de la faculté de médecine ; il jouissait d’une grande et légitime réputation dans le monde savant ; d’ailleurs, la modestie et la simplicité mêmes. C’est lui que l’Académie de médecine de Paris a bravement élu comme correspondant français, après la prise de Strasbourg. Sa digne femme était, avec infiniment d’esprit et de distinction, un type de bonté sans mélange, de bienveillance épanouie : la chaleur de cette âme exquise rayonnait autour d’elle ; on ne l’approchait pas sans en être touché. Les deux vieillards s’aimaient de cette tendre amitié des vrais ménages, qui n’est pas de l’amour éteint, mais de l’amour transfiguré. Ils étaient pleinement,