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COLMAR.

Nous avions la famille de M. Durrieu, notre receveur général, qui a laissé les meilleurs souvenirs en Alsace, et celle de M. Degousée, l’ingénieur des puits artésiens du Sahara, et Berger-Levraut, le grand imprimeur de Strasbourg, et Schutzenberger, l’aimable peintre alsacien, et le bon Adophe Leleux, qui s’était laissé entraîner par Doré, et qui n’en avait nul regret. Arthur Kratz, alors auditeur au conseil d’État, aujourd’hui référendaire à la cour des comptes, lâchait la bride à ses instincts agrestes et s’ébattait en vrai Sylvain. Les montagnes du pays natal n’ont pas de secrets pour lui : il sait l’histoire, la légende et même la chronique des vieux burgs ; il connaît par leur nom les pierres et les plantes ; tous les chemins lui sont familiers ; il s’oriente infailliblement à toute heure dans les cantons les plus sauvages ; et si quelqu’un de ses compagnons se perd en route, il le rappelle par un cri prodigieux, inimitable, qui effraye les coqs de bruyère, ébranle le mur païen sur sa base, et fait tressaillir les dryades sous l’écorce moussue des vieux chênes.

Quoique les hôtes du couvent fussent assez nombreux et assez intelligents pour vivre sur eux-mêmes, notre existence était animée et comme renouvelée tous les jours par le va-et-vient d’une colonie flottante. On voyait arriver des pèlerins, vrais chrétiens du moyen âge, qui avaient marché