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ALSACE.

les puces, plus mal et plus malproprement nourris que dans une auberge de rouliers ; je n’avais jamais vu pareille négation du confort le plus élémentaire, quoique j’aie été aussi pauvre que pas un et que j’aie voyagé dans des pays où l’homme n’a point ses aises. On faisait maigre deux fois par semaine, et quel maigre ! On brûlait des chandelle infectes ; si le petit vin de l’évêque était bon, l’eau manquait : nous en avions tout juste assez pour, les plus stricts devoirs de la toilette. La règle du couvent défendait de fumer, de chanter, de faire aucune musique ; il fallait se coucher à dix heures précises, sous peine d’être réprimandé par M. le directeur. Eh bien, j’y voudrais être encore, et je suis sûr que presque tous nos compagnons de cet automne regrettent ce bon temps comme moi.

Nous nous levions au petit jour, on chaussait les souliers de chasse ; on s’appelait les uns les autres ; on se réunissait au réfectoire pour tremper un morceau de pain dans le lait, dans le vin, ou dans un détestable café, et l’on partait. Il faisait toujours beau ; tout le monde se portait bien ; personne n’avait peur des longues courses ; on ne connaissait pas la fatigue. D’élégance ou de coquetterie, il n’en était pas question : hommes et femmes ne songeaient qu’à marcher, à voir, à crier, à rire, à s’ébattre au grand air. À peine avait-on fait la promenade du matin qu’on se lestait à la hâte pour