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COLMAR.

La deuxième heure du voyage fut bien de 75 à 80 minutes, ce qui ne paraît pas miraculeux dans un pays où le mètre est long d’une toise. Après nous avoir fait traverser au pas de course un plateau déboisé où le vent séchait notre linge un peu trop vite, le guide nous montra une masse énorme de terres noirâtres où pas une fenêtre éclairée n’indiquait la présence des vivants. « Nous y sommes, » dit-il. Il sonna, les chiens aboyèrent, puis il se fit un silence inquiétant, et enfin, derrière un judas grillé, je vis poindre, à la lueur d’une chandelle, un respectable nez encadré de fortes lunettes. C’était la supérieure, ou Frau Mutter en personne, qui venait prudemment reconnaître et questionner les hôtes inattendus. L’arrivée providentielle de madame Doré et de son fils Gustave abrégea notre interrogatoire, et nous pûmes franchir le seuil du couvent sans trop parlementer. On fit nos lits, et la Frau Mutter nous servit de ses mains bises, sur la toile cirée du réfectoire, une vague apparence de nourriture, qu’elle appelait naïvement notre souper. Quant au guide, il vida un verre de vin et regagna Ottrott en se promenant, pour être à son ouvrage avant le lever du soleil.

De ce moment commença pour nous une série de plaisirs plus que simples, presque sauvages, mais exquis et dont je garderai le bon souvenir toute ma vie. Nous étions mal couchés, dévorés par