Page:About - Alsace, 1875.djvu/184

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
170
ALSACE.

à conter. Vous la dirai-je ? Au fait, tâchons de vivre une minute dans le passé ; ce sera autant de pris sur l’ennemi.

Donc le 28 septembre 1865, juste cinq ans avant l’entrée des Prussiens à Strasbourg, six ans avant le jour où nous avons commencé ce triste voyage, je partais de Saverne avec ma femme et notre premier enfant pour aller au couvent de Sainte-Odile. Gustave Doré m’avait dit plus de vingt fois : « Viens donc passer huit jours d’automne à Sainte-Odile : c’est un pèlerinage pour les simples d’esprit, une partie de plaisir pour les artistes. On loge dans un couvent qui est une auberge, on y boit le vin de l’évêque au milieu de ruines splendides, à quatre pas du mur païen, et dans un paysage dont tu me diras des nouvelles. »

La beauté peu commune de la saison nous décida : nos grands bois n’avaient pas perdu une feuille et leur verdure commençait à se barioler un peu partout ; la chaleur des jours était tiède et la fraîcheur des soirs délicieuse. Je fis charger une malle sur la vieille carriole de la Schlitt, on attela cette pauvre Bichette, que les derniers cuirassiers de Reichshofen ont culbutée, couronnée et presque tuée dans leur retraite au galop sur la côte de Phalsbourg. Une jolie Alsacienne portait notre petite Valentine, qui devait peu jouir du spectacle de la nature avec ses yeux de trois mois, mais qui