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STRASBOURG.

feu latent qui couve dans les âmes éclate chaque jour en gerbes éblouissantes, il se rallume à tout propos : la plus futile occasion, un enterrement, un mariage français, donne carrière aux manifestations patriotiques. Les libraires ont déjà commandé à Paris des milliers de livres d’étrennes : ils savent qu’au 1er janvier de l’an prochain les seuls présents autorisés par le bon goût seront des livres français.

Il serait superflu d’indiquer à nos ennemis l’épreuve qui consiste à promener un traître dans la ville pour mesurer l’intensité des fureurs populaires en les provoquant. Ce système, plus ingénieux que moral, leur est connu ; ils l’ont déjà mis en pratique, à Strasbourg même, avec tout le succès désirable. Un déserteur, ancien chef de musique dans notre armée, était dressé à parcourir les promenades publiques pour récolter les injures et les soufflets. Quatre Prussiens en uniforme le suivaient sans affectation pour empoigner les délinquants : ils en prirent beaucoup, quoique le piège fût d’une simplicité biblique, et le conseil de guerre eut le plaisir de condamner quelques patriotes trop vifs. On m’a cité, entre autres victimes, un officier qui rentrait de captivité, et qui obtint un supplément de vingt jours de prison pour avoir regardé avec mépris ce traître infâme !