Page:About - Alsace, 1875.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
STRASBOURG.

À cinq cents pas de la ville, un maraîcher, qui a surpris mes regards curieux et mon air badaud, me dit :

« Vous cherchez probablement la lunette où les marins se sont si bien battus ? C’est là-bas, du côté de la Robertsau. Ils étaient soixante-dix ; il n’en est pas resté quarante ; mais il ont fait du mal aux Prussiens, ceux-là ! Si seulement nous en avions eu beaucoup ! Nous nous souviendrons de l’amiral Exelmans et du commandant Dupetit-Thouars. Voilà des hommes ! »

Il paraît que décidément la marine a donné le même exemple partout. Cela me rappelle le fâcheux de Molière qui voulait mettre en ports de mer toutes les côtes de France, et je me demande, chemin faisant, s’il n’y aurait pas un moyen de transformer en marins tous nos soldats de l’armée de terre. Pourquoi la discipline est-elle restée si forte dans les corps de marins débarqués, quand elle faiblissait à vue d’œil dans les autres troupes ? Ne serait-ce point parce que le marin est forcé de reconnaître la supériorité morale de ses chefs ? Quand il se trouve à trois cents lieues au large, il sait que, par lui-même, il serait incapable de manier le sextant, de déterminer la position du navire et de diriger sa marche. Le sentiment de son ignorance le soumet à l’officier comme un enfant à son père. Il est sûr que personne à bord ne porte l’épaulette