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STRASBOURG.

Ici, le hasard ou la pente des vieilles habitudes me pousse un moment hors de la ville. Lorsque Strasbourg était à nous, je n’y venais guère sans aller jusqu’au Contades, qui continue vaguement le Broglie, comme à Paris les Champs-Elysées font suite au boulevard. Le rempart et les ouvrages extérieurs qui séparent ces deux belles promenades ne m’ennuyaient jamais : d’abord, la vieille architecture militaire est pittoresque à sa façon, et puis ces remparts sans canons, ces fossés pleins de longues herbes, et les soldats désœuvrés qu’on rencontrait par-ci par-là, tout respirait la confiance, le sentiment de notre force. Les défenses d’une ville imprenable, ou qui se croit telle, ont une honnête et bonne physionomie de gros chien.

Aujourd’hui les remparts et ceux qui les gardent ont l’air uniformément rébarbatif. Quant à la zone militaire, elle est lugubre ; on n’y voit que les fondations des maisons rasées et la souche des arbres abattus. Cette banlieue immédiate de Strasbourg brillait surtout par un grand luxe de végétation : la richesse du sol et l’humidité du climat entretenaient partout une verdure admirable ; les assiégeants et les défenseurs de la place ont tout fauché à qui mieux mieux. Le regard, déconcerté par la triste nouveauté des objets, cherche en vain, sur la gauche, les avenues et les ombrages de la Robertsau : il n’en reste pas même une trace.