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ALSACE.

possession, rien de plus simple : reste h savoir si elle y gagnera sa vie. Les officiers allemands ont l’habitude d’aller à l’Opéra pour dix ou douze sous ; les fonctionnaires sont chiches ; ils ne manqueront pas de s’adjuger les bonnes places à prix réduit ; quant à l’ancienne clientèle du théâtre, la seule qui puisse soutenir une entreprise dramatique ou lyrique, il n’y faut pas compter. Une population en deuil ne va pas au spectacle.

Il y a quelque temps, on put croire que les vainqueurs et les vaincus se rencontreraient dans un concert au profit d’une œuvre pie : toute la ville avait souscrit. Mais, à l’heure indiquée par les affiches, nos honnêtes et bons Strasbourgeois se contentèrent de sortir dans les rues avec leur billet au chapeau, à la boutonnière ou à la main. Chacun salua ses amis, on échangea des politesses, on parla un peu de la France et l’on rentra chez soi. La bonne œuvre était faite, et, par surcroît, on s’était donné le plaisir d’isoler les Allemands dans une salle aux trois quarts vide.

Entre les ruines du théâtre et les ruines de la préfecture, on rencontre les ruines d’une statue. C’est le marquis de Lesay-Marnésia, préfet du premier empire. Les projectiles allemands l’ont criblé sur son piédestal, dans son costume officiel ; ou dirait qu’il a été fusillé en culotte courte, comme le maréchal Ney.