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STRASBOURG.

velle cliente n’a qu’à pousser un cri d’admiration : « Oh ! oh ! » pour la mettre en fuite. Michel Carré, le poëte dramatique, a un frère qui vend des nouveautés à Strasbourg. Une Allemande entre chez lui pour choisir une robe et quelques garnitures, et ajoute malicieusement : « Vous entendez ? je ne veux pas avoir l’air d’une Française. » On lui répond avec beaucoup de politesse : « N’ayez pas peur, madame, cet air-là, nous ne pourrions jamais vous le donner. »

Ces jours derniers, la femme d’un fonctionnaire prussien sortait d’une boutique en mordant son mouchoir. Elle rencontre une amie, éclate en sanglots, et lui dit : « C’est horrible ! je ne vivrai jamais ici, il faut que mon mari demande son changement, ou donne sa démission.

— Eh ! que vous a-t-on fait ?

— Rien, et tout. J’entre là, j’aperçois une fillette de seize ans, gentille, accorte et gracieuse, qui servait une Française avec force révérences. À ma vue, elle grandit de deux pieds, prend des airs de reine offensée, m’écoute en détournant la tête, me jette sa marchandise comme un os à un chien, et pousse mon argent avec un chiffon de papier jusqu’à l’ouverture du comptoir ! »

Voilà comment les Alsaciens vendent aux Allemands. Voici comment ils leur achètent. La semaine passée, le voyageur d’un grand droguiste de Carls-