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ALSACE.

chir à leurs dépens, comme tant d’autres l’ont fait à Versailles et ailleurs ; il aime mieux se ruiner et rester bon Français.

On peut dire que tout le commerce de Strasbourg, sauf quelques rares exceptions, a tenu la même conduite. Les Allemands n’ont pas le droit de dire qu’on spécule sur eux, que nous exploitons l’ennemi ; car on fait ouvertement tout ce qu’on peut pour ne rien leur vendre et les tenir à l’écart des moindres boutiques. Sur un mot d’ordre parti on ne sait d’où, tantôt les étalages se pavoisent des trois couleurs nationales ; tantôt, pour célébrer quelque anniversaire douloureux, les magasins se drapent de crêpe noir et prennent le grand deuil. La police allemande a beau proscrire les cocardes et les nœuds tricolores, il est toujours facile de rapprocher, comme par hasard dans une même vitrine, des tissus ou des papiers bleus, blancs et rouges.

L’acheteur allemand qui se fourvoie dans un magasin français s’expose à mille impertinences, d’autant plus sensibles qu’elles sont souvent spirituelles et de bon goût. Un marchand qui est forcé de répondre à un Prussien baisse les yeux avec persistance, et fixe ses regards sur les longs pieds de son interlocuteur. Il n’en faut pas davantage pour que l’autre, attaqué par son côté faible, se trouble, bégaye et quelquefois sorte furieux sans rien acheter. Un cordonnier qui s’agenouille devant une nou-