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ALSACE.

minais leur crime. Mais j’abominais presque autant la peine de mort. L’idée qu’un matin, à sept heures, le bourreau couperait froidement ces trois têtes, fort ignobles d’ailleurs, et répandrait sur le pavé plusieurs litres de sang humain me faisait frisonner comme M. Jules Simon lui-même. Dans les temps calmes, au milieu de la paix et de la sécurité générales, la vie humaine prend une valeur tout à fait exorbitante ; c’est une affaire énorme que de tuer en public une créature plus ou moins semblable à soi. Les dernières rigueurs de la justice semblent alors non-seulement barbares et surannées, mais inutiles et lâches : est-ce que la société n’est pas invincible ? est-ce que le bon ordre n’est pas assuré pour toujours ? N’avons-nous pas des prisons si bien construites et si fidèlement gardées, qu’elles seront inviolables jusqu’à la fin des siècles ? Cela étant, que sert-il d’égorger les assassins, qui sont des fous furieux, lorsqu’on a tout en main pour les mettre dans l’impossibilité de nuire ?

Je croyais à cet évangile selon Victor Hugo et quelques autres rêveurs, et je fis les efforts les plus méritoires pour convertir mes collègues du jury. Que de fois, dans le vestibule, au pied de cet escalier qui n’est plus, je serrai le bouton aux plus tenaces et je réfutai, bien ou mal, le célèbre argument d’Alphonse Karr ! Mon zèle fut ré-