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ALSACE.

et qu’on avait encore de la poudre et du pain pour quelques jours. Voilà pourquoi la ville est presque ingrate envers ce loyal vieillard et conteste un peu les honneurs qu’on lui a prodigués à Paris. J’ai dû noter cette impression, parce qu’elle montre à quel point le patriotisme est encore nerveux et frémissant dans Strasbourg.

Si le lecteur est curieux d’apprendre ce que tant de braves gens sont devenus, leur ville prise, les choses se passèrent tout simplement, personne ne demanda au voisin ce qui restait à faire. Comme la guerre n’était pas finie, tous les jeunes gens et bon nombre d’hommes mûrs s’échappèrent, malgré l’étroite surveillance du vainqueur, et rejoignirent l’armée française. Les uns ont assisté aux combats de la Loire, les autres ont défendu le terrain pied à pied, jusqu’au dernier moment, dans le Jura ou dans les Vosges : tous ont fait deux campagnes, et Dieu sait si la deuxième fut rude ! Ces défenseurs obstinés d’une cause perdue n’étaient pas endurcis dès l’enfance au froid, à la fatigue, aux privations. C’étaient des avocats, comme Victor Mallarmé : des magistrats ; comme Edgar Kolb ; de gros bourgeois, comme le brasseur Lipp, du faubourg de Pierre, celui qui a sacrifié sa maison pour retarder la capitulation de huit jours. Ils s’engageaient comme simples soldats, sous le premier drapeau qui se rencontrait sur leur route : régiment de marche ou