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STRASBOURG.

L’uniforme fleurissait sur les places, dans les rues, dans les salons, comme une plante qui a trouvé son vrai terrain. Et les bonnes filles du cru, qui auraient pu être blasées sur ces splendeurs, s’en montraient si naïvement éblouies ! Un homme qui avait savouré les délices de cette heureuse garnison en conservait le goût jusqu’à l’heure de la retraite, et toute une population d’anciens officiers venaient finir la vie à Strasbourg. On les reconnaissait à la moustache grise, au ruban rouge, à la tournure, au pas cadencé, à la voix. Et si on ne leur ôtait pas son chapeau, ce qui eût été fatigant, pour les chapeaux surtout, on les saluait au fond du cœur, et l’on se disait : Voilà encore un brave homme qui a dépensé trente années, ses meileures, au service de notre pays !

Je vais faire un aveu qui semblera peut-être puéril au moment où le train qui me ramenait à Strasbourg, après quatorze mois d’absence, franchit l’enceinte des remparts, j’étais moins occupé des ruines qui m’attendaient que de la physionomie nouvelle des rues. Je pensais en moi-même que Strasbourg, sans soldats français, devait être bien triste. Eh bien, l’impression fut encore plus poignante que je ne l’avais cru. J’avais oublié la garnison allemande ! Pour sentir toute la honte et toute l’horreur de notre sort, il faut avoir vu Strasourg peuplé de soldats ennemis, Strasbourg avec