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ALSACE.

ont fait de la plus vaillante, de la plus studieuse, de la plus hospitalière, de la meilleure cité qui fût en France. Je ne connais personne qui ait habité ou simplement traversé Strasbourg sans s’y plaire ; pas un homme qui n’en ait emporté une impression d’estime et d’amitié. La ville neuve et la vieille, et la citadelle elle-même, avaient une physionomie cordiale. Cette pauvre citadelle, dont on montre aujourd’hui les ruines pour de l’argent, je me souviens d’y être allé un jour à sept heures du matin pour défendre un brave garçon devant le conseil de guerre. Elle me fit l’effet d’une chartreuse, avec sa grande place aux trois quarts déserte, ses bâtiments du dix-septième siècle, ses petits jardins de curé, où des colonels en robe de chambre secouaient gravement leurs pruniers, et l’activité mécanique des soldats qui s’en allaient deçà, delà, mal éveillés. Pour la première fois, j’entrevis les douceurs inertes de la vie méthodique et cloîtrée ; j’enviai le sort des vieux officiers du service des places, demi-clos dans les trous à rats que le génie leur a creusés partout.

Il faut dire aussi que Strasbourg, lorsqu’il ne s’écrivait pas Strassburg, était le paradis des militaires : ils y vivaient pour rien ; ils y tenaient le haut du pavé ; ils y étaient reçus dans toutes les familles, parce que les plus illustres et les plus riches avaient au moins un fils sous les drapeaux.