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ALSACE.

bre qui jouit d’une légitime influence aurait besoin d’une demi-journée pour arrondir une phrase en bon français ; or c’est en allemand qu’on écrit à M. de Bismarck, et la difficulté n’en est que plus grande. Si la plupart des conseillers parlent couramment le patois, il n’y en a pas deux qui sachent le haut allemand, la langue officielle, savante et quelque peu pédante, qui seule a cours dans les bureaux de la chancellerie. Bon gré mal gré, il fallut ajourner une affaire si urgente, et déléguer la tâche à des hommes capables ; on ne vota que le principe de la pétition ; c’était beaucoup ; quand la ville le sut, elle se sentit déjà soulagée.

Les gens du peuple et les bourgeois, tous bons Français, se réjouissaient de dire son fait à M. de Bismarck, et de lui prouver que Saverne n’est pas ville à subir une injustice sans protester. Les habiles de la classe supérieure comptaient bien que le document serait conçu dans une forme très-courtoise. Les mots ne sont que des mots, pensaient-ils, tandis que les affaires sont les affaires. Tout le monde attendait la pétition avec impatience, non pour la discuter et la juger, mais pour la signer vite et parer le coup fatal s’il était temps encore.

Un petit avoué rachitique du nom de Fetter, gaillard sans préjugés, écrivit la pièce en français ; il y mit tout le feu d’un homme qui plaide pour