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DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

sont Français par les mœurs, puisqu’ils se sont cramponnés à leur tribunal avec une furie toute française. Nos maîtres de Berlin, qui cachent un certain fonds de malice sous leur couenne, avaient voulu tâter le moral du pays et se donner par surcroît le spectacle d’une émotion ridicule. Ils insinuèrent à petit bruit, par demi-mots, qu’il était question de transporter le tribunal à Sarre-Union, et la ville se crut perdue. Saverne, sans tribunal, n’était plus que l’ombre d’elle-même ; le dernier reflet de son antique splendeur allait s’éclipser pour toujours ; la ville des Rohan tombait au niveau de Wasselonne ou de Drulingen, les natifs de la rue de l’Oignon n’auraient plus dit, avec le légitime orgueil qui les caractérise : « Je suis moi-même de Saverne même. » Il fallait renverser le célèbre obélisque où l’on a marqué la distance de toutes les villes du monde, lorsque le nombril de la terre était évidemment la place du Château.

L’imminence et la grandeur du péril dictèrent une résolution désespérée. Le conseil municipal se réunit ; on parla d’adresser une pétition au chancelier, de soutenir énergiquement les droits de la ville. Si la pièce ne fut pas rédigée séance tenante, c’est que notre conseil, composé de fort honnêtes gens, compte plus d’aubergistes, de bouchers et de brasseurs que de journalistes : ce n’est pas le conseil municipal de Paris ! Tel mem-