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DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

Nous avons à deux pas de Saverne un hameau du nom d’Ottersthal. Triste commune, beaucoup d’ivrognes, pas mal de braconniers, des maraudeurs en foule, énormément de filles perdues. Le maire, ancien et nouveau, seul possible, est un grand vieillard sec et rude comme un fagot d’épines, honnête homme au demeurant. Il a donné bien du fil à retordre aux sous-préfets de l’empire français. La semaine dernière, un Savernois appelé pour affaire à la sous-préfecture se croise avec le maire d’Ottersthal, qui sortait roide, froid, impassible. Il entre et trouve le sous-préfet haletant, tout en nage, tordant ses mains comme un désespéré, et criant : « Ce maudit maire me fera mourir ; c’est la résistance faite homme. Et dire qu’il ne sait pas un seul mot de français ! »

Dans les villages bons et mauvais, dans les villes petites et grandes, ignorantes ou éclairées, les Alsaciens résisteront, je ne crains pas de le prédire, tant que l’annexion durera. Leur révolte sera le plus souvent passive, elle pourra mollir ici ou là, pour un temps, mais elle ne désarmera jamais. Elle a faibli un peu, cela s’explique assez, pendant les horreurs de la Commune, mais la victoire de M. Thiers a retrempé tous ses ressorts.

Les plus beaux caractères ont leurs jours de fatigue. N’avons-nous pas vu M. Küss, l’honorable vaillant maire de Strasbourg, assister au Te