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ALSACE.

mais ils savent bien ce qu’ils veulent, et c’est beaucoup.

J’ai entendu de riches paysans déclarer qu’il donneraient la moitié de leurs biens pour rester citoyens français. Ce sentiment est noble ; il m’a touché, j’en conviens, mais n’ayant pas trouvé une occasion de le mettre à l’épreuve, je n’y crois que sous bénéfice d’inventaire. Ce qui me persuade bien autrement, c’est l’unanimité des bonnes gens qui me disent sans phrase, en secouant la tête : « Ça ne va pas bien ! » Je crois sans hésiter ceux qui se plaignent des réquisitions, des garnisaires, de la rapacité prussienne, des impôts aggravés, de la roideur des nouveaux fonctionnaires, de la grossièreté allemande ; ceux qui témoignent une répugnance invincible à voir leurs enfants sous le casque pointu, malmenés et rossés par un soudard puant.

Je crois ceux qui me disent : « Nous avons hier taquiné les Welches, qui valaient cent fois mieux que les Souabes. Quant aux Souabes, nous les ferons mourir à petit feu, sans nous donner beaucoup de mouvement. » Cette phrase dit tout en peu de mots ; elle exprime leur goût pour l’autonomie absolue, leur préférence pour les Français comparés aux Allemands, et leur confiance illimitée dans cette force d’inertie dont la nature les a doués.