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DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

plus exact, et je croirais manquer à mes lecteurs, si je ne faisais pas un travail de conscience rigoureuse et de vérité pure, au risque de laisser quelques taches dans le tableau.

Il s’en faut que les Alsaciens soient des hommes. tout d’une pièce. En présence de l’ennemi qui les observe et les juge concurremment avec nous, je dois avouer qu’ils ont du bon et du mauvais. Je n’ai pas entrepris de prouver par des sophismes d’avocat que tous les cultivateurs de nos campagnes et les bourgeois de nos petites villes étaient prêts à sacrifier aveuglément leurs biens et leurs vies pour l’amour de cette sainte abstraction qui s’appelle la patrie française.

Le paysan et le notaire assis devant leur poêle ne montrent ni le courage indomptable ni l’abnégation sublime dont leurs fils ont fait preuve hier encore, sous nos drapeaux, grâce à la discipline de l’armée et à l’entraînement de la lutte. Ils sont plus calmes, ils comptent, ils raisonnent, ils pèsent le pour et le contre et se tiennent en garde contre les accidents. Le martyre, et surtout le martyre à froid, ne les tente pas plus que les autres Français de leur classe et de leur éducation.

Ils savent au besoin tendre le dos si la tourmente est trop forte, sauf à se retourner et à faire tête dans un moment plus opportun. On les verra bien rarement entreprendre plus qu’ils ne peuvent,