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DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

vous homme à dire au pied levé, sans réflexion, sans hésitation, ce que vous feriez à leur place ?

Voici, par exemple, un vieillard qui a travaillé quarante ans pour payer le prix de son étude, en élevant trois fils. L’aîné est juge en France ; le second, qui s’est bien battu sous les murs de Belfort, est percepteur en France ; le troisième est aide-major dans l’armée française. Ces trois jeunes gens gagnent strictement leur vie ; le père ne voudrait pas leur être à charge tant qu’il peut travailler lui-même. Exigez-vous qu’il abandonne, pour l’amour du pays, cette étude qui est son seul gagne-pain possible, son unique avoir et le fruit de toute une vie laborieuse ? S’il prenait un parti si héroïque, il serait un grand citoyen, la France lui rendrait hommage, mais elle ne lui rendrait que cela.

Si tous les officiers ministériels de l’Alsace et de la Lorraine refusaient l’investiture prussienne, s’ils optaient tous pour la nationalité française, s’ils renonçaient à toute indemnité, s’ils se ruinaient généreusement pour l’honneur du pays, ce serait l’idéal de la résistance, et l’idéal n’est pas de ce monde. C’est déjà beaucoup qu’un grand nombre de notaires et d’avoués aient pris et publié cette résolution admirable ; on ne peut pas compter qu’une règle surnaturelle ne rencontrera pas d’exception.