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ALSACE.

droit d’option m’appartient comme aux autres, on sera toujours libre d’émigrer. Mais je n’étais pas libre d’abandonner ma place le jour où l’on m’a mis le marché à la main. Si la plupart des gardes alsaciens ont pris le même parti que moi, soyez sûr qu’ils ne l’ont pas fait de gaieté de cœur. Les forestiers aiment la France, ils l’ont prouvé assez souvent ; au cours de cette funeste guerre, il y en a bien peu qui n’aient risqué leur vie dans des missions ingrates et obscures autant que périlleuses. Les mêmes hommes n’ont consenti à garder les forêts françaises pour le compte du gouvernement prussien que parce qu’ils étaient sans ressources et que la nécessité les tenait littéralement à la gorge.

« On dit que nous avons sacrifié notre devoir à un misérable intérêt. Mais ce calcul, si c’en était un, serait le plus stupide du monde. Nous avions un intérêt évident à rester Français. Moi qui vous parle, je touche à l’âge de la retraite. Avant trois ans, j’aurai le droit de faire régler la pension qui m’est due, puisque l’État me retient quelque chose à cet effet sur chaque mois de traitement. À qui m’adresserai-je, je vous prie : aux Prussiens ? Ils répondront qu’ils ne me doivent rien, car c’est le trésor français qui a encaissé mes retenues. Aux Français ? Ils diront que j’ai perdu mes droits à la retraite en acceptant du service chez l’ennemi. El