Page:About - Alsace, 1875.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
93
DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

blanc. Que fera-t-elle loin d’ici ? Les femmes n’ont pas comme nous les puissantes distractions du travail et de la lutte. Celle-ci languira comme une plante arrachée, et je serais bien étonné si elle languissait longtemps.

En rentrant de ma promenade, je trouvai dans notre cour un homme de cinquante-cinq ans, grand, robuste et hâlé, vêtu d’une blouse bleue par-dessus l’uniforme des eaux et forêts, le carnier sur l’épaule et la trique à la main. C’est le brigadier Huber, une vieille connaissance à nous, un des hommes les meilleurs et les plus honnêtes que j’aie rencontrés en Alsace. À sa vue, mon cœur battit avec force, et je me sentis pâlir. C’est que le cas de cet homme est terrible : il a consenti à servir sous les Prussiens dans son ancien emploi. Il est de ceux qu’on nomme renégats et que le patriotisme alsacien flétrit sans pitié. Cependant, quand mes yeux rencontrèrent son regard triste et loyal, je me sentis plus ému de compassion que d’autre chose et je lui dis : « Entrez donc avec moi, mon pauvre Huber ! »

Il venait, disait-il, pour me remercier de quelques petits services, si anciens que j’en ai perdu toute mémoire, mais son vrai but était sans doute de confesser sa faute et de l’excuser à mes yeux.

« La population est sévère pour nous, me dit-il ; nous sommes bien mal vus, et cela semble