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ALSACE.

que gravement, doucement, il consolait sa famille et mettait ordre à ses affaires. Il m’a donné une leçon de bien mourir dont je me souviendrai, si je peux, à mon heure.

Ce petit homme au crâne chauve, aux yeux brillants, c’est l’avocat Cros, qui frétille sur le chemin du tribunal. Ce long visage doux et pensif, c’est le peintre Eugène Laville, un vrai talent, trop mystique à mon gré, mais doublé d’une âme admirable.

Dans le cours d’un ou deux étés, j’ai fait de belles parties de table à la Stambach et à la scierie du Kraufthal, où les truites sont exquises et les écrevisses énormes. Dans ces débauches innocentes, j’avais pour compagnons cinq bons vivants, d’humeur libre et frondeuse, assez mal vus du monde officiel. C’était le gros docteur Lévis, à la trogne rubiconde, et le petit Jérôme Gast, encore plus malin que bossu, et le brasseur Schweyer, et le robuste Leiser, de la fabrique de bascules, et le père Audiguier, greffier du tribunal, homme d’infiniment d’esprit, malgré son goitre. Eh bien, les voilà tous réunis comme pour un pique-nique, à 2 mètres sous terre. Il ne manque que moi.

Je ne sais pas si Sarcey se rappelle un déjeuner charmant que nous fîmes ensemble chez le notaire Greuell par une belle journée d’été. Pour moi, je n’oublierai de ma vie la jeune et gracieuse mai-