Page:About - Alsace, 1875.djvu/103

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
89
DOULEURS ET DÉFAILLANCES.

dant, toutes ces inscriptions qui cachent une poussière humaine me rappellent des bals, de bons dîners, des parties de campagne au bord de l’eau. C’est que j’avais trente ans en arrivant ici, et ma jeunesse me remonte à la gorge comme un vin écumeux que j’aurais bu trop vite. Quelle fête on nous a donnée, il y a tout au plus dix ans, à la grande usine de Zornhof ! J’étais accouru de Paris tout exprès, et j’avais entraîné deux amis pour leur montrer la cordialité alsacienne dans une de ses expansions les plus magnifiques. Le maître de Zornhof, le patriarche Goldenberg, un des vieux rois de l’industrie française, est mort empoisonné par les douleurs de cette guerre. Sa fille l’attendait ici : voici la tombe de Pauline Goldenberg, femme du chimiste Kopp, Pauline la lettrée, la musicienne, la savante, la philosophe ! Jamais esprit plus noble et plus ardent n’habita un plus frêle corps.

Ici repose le docteur Maugin, un des hommes les plus bienveillants et les plus fins que j’aie rencontrés ici-bas ; il m’a bien étonné en me prouvant qu’on pouvait pétiller de malice sans désobliger personne. Pourquoi le vieux père Leconte, ancien conservateur des hypothèques m’apparaît-il les cartes à la main devant un whist ? Je l’ai vu dans un plus beau rôle et dans un moment plus solennel, à la veille de son dernier jour, tandis