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ALSACE.

dans ce coin vierge où le fossoyeur n’avait pas donné son premier coup de bêche en 1858 ! Voici les fonctionnaires, les notables, les officiers ministériels, tout ce qui composait naguère encore l’aristocratie du pays. Et pêle-mêle, au milieu d’eux, l’Opposition, les frondeurs, ceux qui bataillaient avec moi contre le despotisme innocent de tel maire et l’autocratie anodine de tel malheureux sous-préfet. Que nos guerres enfantines ou provinciales (c’est tout un) sont loin de nous ! Sous cette tombe un peu trop fière repose mon farouche et loyal ennemi, le baron de Latouche, maire absolu, que j’ai lardé jadis à coups de plume et rendu célèbre malgré lui. Dormez en paix, mon pauvre maire ! Vous aviez eu les premiers torts, mais vous étiez un brave homme dans le fond, et je me réjouis de penser que vous n’êtes pas mort avant d’avoir signé la paix et trinqué sans rancune avec moi. Je vous ai escorté jusqu’à ce dernier gîte et j’ai souscrit avec la foule de vos sujets pour votre monument. S’il ne tenait qu’à moi, je bifferais quelques mauvaises plaisanteries qui vous survivent peut-être dans la mémoire des Alsaciens, mais à quoi bon ? Le temps efface d’un coup d’aile les sottises que l’homme se flattait de graver sur l’airain.

La mémoire a des caprices singuliers, presque impies ; on n’en peut mais. À mon corps défen-